Quand je commence un tableau, le plus souvent j'ai très peur. Je dois d'abord regarder la toile, blanche, des heures. La peur peut me paralyser mais elle est nécessaire. Je regarde la surface vierge, je la scrute, je cherche à rentrer en contact avec elle, je cherche à l'apprivoiser. 

Et puis, le courage finit par m'envahir, mon pinceau rentre en contact physique avec la toile. Parfois, je ne m'embarrasse pas d'un pinceau. Le besoin de contact est tellement fort que j'y vais de mes mains

Je manipule les couleurs, j'essaye quelques fois de leur extorquer ce qu'elles ont de pur, d'étrange, de lumineux. Je les assombris au gré de mes humeurs ou je les embellis, je les mélange, les malaxe, les déchire, les incise. Mais cela ne suffit pas !

Je les enrobe de texture, de matières que je superpose en couche, sous-couche, jusqu'à obtenir une surface rugueuse. Pourtant même à ce stade de la réalisation, j'ai tout de même des doutes. Je deviens impatiente, indécise. Et, puis, comme par enchantement, en m'éloignant un peu, en ne regardant pas de trop près, je découvre dans un petit coin de la toile qu'il se passe quelque chose.